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Réunion Libération et Journées Mémoires du Plateau (juin 2004)

Remarques de Pierre Sauvage
à l’inauguration des
Journées Mémoires du Plateau
Le Chambon-sur-Lignon, le 11 juin 2004

 

Francis Valla, maire du Chambon-sur-Lignon,
et Pierre Sauvage

Pasteur André Bettex, dernier représentant des pasteurs du Plateau
sous l’Occupation, reçoit les applaudissements de l’assistance

Robert Paxton, grand spécialiste de Vichy,
brossa magistralement le contexte

Du 11 au 13 juin 2004 eut lieu au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire) la première réunion depuis 1986 d’anciens réfugiés aidés et abrités par la population du Chambon et du plateau environnant sous l’Occupation.

Cette « Réunion Libération » fut accompagnée des Journées Mémoires du Plateau.  Organisée par la mairie du Chambon-sur-Lignon et la Fondation Chambon (USA) / Amis du Chambon (France), la commémoration se déroula sous le haut patronage de Son Excellence Nissim Zvili, Ambassadeur d’Israël, avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et le concours du Centre de Documentation Juive Contemporaine.

Les remarques qui suivent furent prononcées le 11 juin 2004, lors de la cérémonie d’inauguration qui eut lieu devant l’ancienne gare du Chambon-sur-Lignon. 

Monsieur l'ambassadeur, monsieur le ministre, monsieur le maire, chers amis,

Dimanche dernier [le 6 juin 2004], nous avons célébré le début d'une grande victoire militaire.  Je sais que je n'ai pas été le seul à être très ému à voir à la télévision le défilé des vétérans du Jour J lors de la commémoration du Débarquement.  Mais il n'y a pas que les victoires militaires qui comptent.

Lors d'une cérémonie de l'armistice peu avant la Deuxième Guerre mondiale, le pasteur André Trocmé du Chambon-sur-Lignon exprimait, dans des mots que l'histoire n'a pas encore relevés, des convictions pacifistes que je ne partage pas, mais pour lesquelles il me semble impossible de ne pas avoir du respect lorsque ces convictions se montrent efficaces et lorsqu'elles s'expriment ainsi :

"Chers amis du Chambon, vous avez le privilège immense d'habiter la campagne, loin des centres d'excitation et d'entraînement collectif que constituent nos villes.  A vous de créer, au milieu de la tempête morale, une zone de calme, de sang-froid, de fraternité.  Et si les événements nous devancent, si, demain, la folie du meurtre devait à nouveau s'emparer de notre Europe, nous aurons tout au moins la conscience joyeuse d'avoir tenu pour la paix jusqu'au bout !"

Quelques années plus tard, pendant l'hiver 1943-44, une réfugiée au Chambon écrit à M. Tracy Strong, qui nous fait l'honneur de participer à notre réunion, pour s'excuser du délai à le remercier pour l'envoi d'un livre qu'elle lui avait demandé, en disant :

"Jusqu'à mon arrivée au Chambon, j'avais toujours le temps de faire tout ce qu'il y avait à faire, mais depuis que j'habite ici, je ne sais ce qui se passe... je suis occupée toute la journée et il reste encore tellement de choses à faire....Il faut laver sans savon, raccommoder sans fil, repasser sans électricité, taper sans papier...  C'est une bonne école, et, plus tard, nous serons tous très débrouillards....  Le Chambon est assez triste en ce moment.  Il pleut à torrents....Finis les conférences et les concerts jusqu'à l'été prochain.  Mais où serons-nous l'été prochain ?" 

Cet été '44, en définitive, apporta donc enfin à la France la Libération.  Mais Le Chambon avait-il jamais cessé d'être libre?

Je n'oserai pas dire davantage sur cette époque devant tant de témoins qui en savent beaucoup plus que moi.  Je vous remercie tous d'être venus, notamment les enfants et les petits-enfants, qui doivent porter maintenant le flambeau de la mémoire.  J'espère que vous passerez tous quelques  bons moments aujourd'hui, demain, et dimanche.

Je voudrais cependant me permettre de remercier tout particulièrement pour leur présence trois de nos vétérans à nous de cette époque : M. Auguste Bohny, directeur du Secours Suisse aux Enfants au Chambon sous l'Occupation, reconnu juste parmi les nations; M. Tracy Strong, responsable, pour ce qui nous concerne, du Fonds Européen de Secours aux Etudiants, qui oeuvra lui aussi au Chambon; et enfin — quelle joie, quel privilège — un représentant des pasteurs du Plateau sous l'Occupation.

Le pasteur André Bettex, reconnu lui aussi juste parmi les nations, nous vient de Dieulefit, ce lieu auquel nous envions notamment le nom.  Il nous donne donc à 95 ans un exemple de volonté, une volonté qu'ont connue ses paroissiens et les réfugiés auxquels il vint inlassablement en aide au Riou (au Mazet-Saint-Voy), dont il fut le pasteur.

Je n'ai pas oublié, monsieur le pasteur, que vous m'avez dit un jour que votre père aimait vous parler du peuple d'Israël, et que vous avez vous-même été influencé dans votre action par un verset biblique: "Ne ferme pas ta porte aux fugitifs sans asile."

Tracy Strong, reçoit l’hommage ému
de l’ancien réfugié Hans Salomon

Le pasteur André Bettex, devant le temple
du Chambon-sur-Lignon

Auguste Bohny avec Hanne Hirsch Liebmann,
ancienne pensionnaire de la Guespy

Au nom de quelques fugitifs sans asile du 20ème siècle, nous, les anciens réfugiés, nous vous remercions, Monsieur le pasteur, Monsieur Bohny, Monsieur Strong, pour votre aide.

Nous remercions la génération de la guerre ici au Chambon et ailleurs sur le Plateau pour sa mémoire et pour son action.  Le souvenir du juste restera pour toujours !

Les Justes de la région du Chambon-sur-Lignon
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N.B.  Nous apprenons avec tristesse le décès le 1er janvier 2005 du pasteur André Bettex (1909-2005) quelques mois après sa participation aux Journées Mémoires du Plateau.  Le dernier représentant des pasteurs du Plateau sous l'Occupation n'est plus.  Sauf dans nos coeur et dans nos mémoires.  "La mémoire du Juste restera pour toujours."


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