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Texte pour le Journal du Chambon (Juillet 2004)
par Pierre Sauvage

 

J’écris ces lignes quelques semaines avant ces Journées Mémoires du Plateau et cette Réunion Libération, qui auront constitué la première réalisation commune de la municipalité du Chambon-sur-Lignon et de la « Fondation Chambon ».  J’espère que ce fut un succès !  Quoiqu’il en soit, c’est un succès qui ne se mesurera pas véritablement par des chiffres, par la présence de personnalités, ou par le tam-tam éventuel ; il s'est mesuré discrètement dans nos cœurs à tous.  Pour ce qui me concerne, ce sera mon seul baromètre..

J’ai mis Fondation Chambon entre guillemets parce j’ai découvert trop tard que la mot « fondation » a une sonorité toute particulière en France. ; ce n’est en fait qu’une petite association à but non lucratif, nommée en l’honneur d’un lieu qui m’est cher et par laquelle, Français habitant à Los Angeles, je cherche à servir la mémoire.  (Amis du Chambon est l’association française créée notamment pour relayer la Fondation Chambon américaine.)

C’est grâce surtout aux efforts tenaces de mon ami Rudy Appel, ancien réfugié de la Guespy bien fidèle et dévoué, que la Fondation Chambon et Amis du Chambon peuvent encore espérer maintenir en vie le local Expo du Carrefour, dont nous espérons qu'il a servi un peu ces dernières années les intérêts du touriste historico-moral et qu'il fut aussi à l'occasion un lieu accueillant pour quelques uns d'entre vous. 

Beaucoup de nos visiteurs en juin se seront retrouvés avec émotion devant la plaque, en face du temple.  Cette plaque, posée exactement il y a un quart de siècle lors de la première réunion d’anciens réfugiés de la région du Chambon, devait sûrement signifier le début de quelque chose et non simplement la fin.  « Le souvenir du juste, nous rappelle-t-elle, restera pour toujours ».  Oui, si nous y travaillons !

En ce qui me concerne personnellement, c'est surtout à deux reprises que Le Chambon a affecté ma vie, et ce n'est plus évident pour moi laquelle des deux était la plus importante.  C'est à La Fayolle que j'eus la chance de naître (en fait, à l’hôpital de Saint-Agrève, où le docteur Le Forestier dut transporter ma mère).  Mais ce n’est que bien plus tard dans ma vie d’adulte que Le Chambon a commencé à compter pour moi.  J'ai ressenti alors le besoin de comprendre ce qui s'y était passé au moment de ma naissance (merci encore, Gérard Bollon, pour toute ton aide indispensable lors du tournage de mon documentaire Les armes de l'esprit) et puis de chercher à préserver le souvenir de l’action exceptionnelle de la Montagne.  Ma vie en fut affectée à tout  jamais.

Comme je le rappelais déjà à notre première réunion d’anciens en 1986, je sais bien que nombre d’entre vous qui ont vécu cette époque, qui ont contribué à l'action d’accueil et de sauvetage, sont gênés par une attention que vous jugez excessive, embarrassante, souvent maladroite.  Je sais aussi que nombre d'entre vous au Chambon estimez encore que cet intérêt que le monde extérieur vous porte depuis un certain temps est néanmoins passager et finira bien, avec un peu de patience, par se dissiper et vous laisser tranquilles.

Je le répète : il n'en est rien !  « Le Chambon » est devenu un symbole.  Le monde désire savoir qu'il y a eu, au moins, « Le Chambon ».  Qu'il peut toujours y avoir « Le Chambon ».  Je crois même, pour ma part, que l'intérêt de ce monde encore traumatisé ne fait que commencer.  Que vous le vouliez ou non ici, quoique vous fassiez, cet intérêt va donc peut-être croître de jour en jour.  Il dépend de vous sur le Plateau -- et de nous juifs qui savons quelque chose de ce qui s'y est passé -- que cet intérêt croissant débouche non sur un cirque mais sur un monde meilleur.

J’en suis persuadé : nous finirons bien par surmonter ce qui nous divise encore, mobiliser toutes les bonnes volontés, créer enfin ensemble, avec les appuis extérieurs indispensables, en France ou aux États-unis, un « musée éclaté » au Chambon-sur-Lignon et ailleurs sur le Plateau.  J'y contribuerai d'une façon ou d'une autre.  Nous lèguerons quelque chose à nos petits-enfants.

Vous n'avez donc pas fini ici de rendre service, et je sais que c'est au nom de tous les juifs qui se sont réunis ici en juin, et au nom de bien d'autres qui n’ont pas pu venir, que j'exprime notre reconnaissance non seulement pour ce que vous avez fait pour nous dans le passé, mais aussi pour ce que vous nous permettez de ressentir encore maintenant au souvenir de ce que vous avez fait.

C’est donc avec gratitude et amitié que je vous adresse à tous — en remerciant tout particulièrement monsieur le maire Francis Valla et son excellente équipe municipale de leur confiance  — l’expression de ce que je me plais à appeler mes sentiments résolument judéo-chambonnais.


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